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Cubisme, courant artistique dont l'apparition et le développement en France à partir de 1907 déterminèrent une révolution esthétique sur laquelle se fondent un grand nombre des nouvelles formes de peinture et de sculpture qui virent le jour au XXe siècle.
Des Demoiselles d'Avignon au cubisme analytique
Sous l'influence croissante de l'art de Cézanne, associée à l'exemple des arts primitifs, certains peintres — et plus spécifiquement Picasso et Braque — s'engagèrent, au début du XXe siècle, dans une simplification de la représentation qui les conduisit à privilégier l'étude des volumes et des cadres structurels de la forme.
On date traditionnellement les débuts du cubisme de la réalisation par Picasso des Demoiselles d'Avignon (1907, Museum of Modern Art, New York), où le peintre remplaça les zones d'ombre par de grandes lignes parallèles. Après avoir vu ce tableau dans l'atelier du peintre catalan, Braque s'engagea également dans la voie qu'ouvrait ce nouveau langage pictural, qui ne prit son nom qu'en 1908, sous la plume du journaliste Louis Vauxcelles (dans le compte rendu, pour le journal Gil Blas, d'une exposition d'œuvres de Braque à la galerie Kahnweiler).
En 1909-1910, les recherches des deux artistes les menèrent au cubisme dit analytique : la forme se disloque le long d'arêtes et de lignes de fracture dont la grille chaotique finit par supplanter le motif. Portraits et natures mortes, de plus en plus difficilement lisibles, ne sont plus interprétés qu'en termes de plans, de facettes et d'arêtes dont l'imbrication recrée une nouvelle structure, propre au tableau, mais éloignée des conventions traditionnelles de la représentation. Du motif, Braque et Picasso conservent néanmoins quelques fragments et signes allusifs, disséminés sur la surface de l'œuvre, et qui suggèrent souvent une multiplicité de points de vue sur l'objet. À partir de 1911, des lettres et des fragments de mots aident à situer un contexte (« Bal ») ou à désigner le motif (« Orero » pour Torero). La couleur est presque absente de ces grisailles géométriques : limitée à des camaïeux, elle est remplacée par une lumière vibrante qui permet d'individualiser les plans et les surfaces entremêlés.
Le cubisme synthétique
Bien qu'ils aient frôlé l'abstraction la plus complète, Braque et Picasso éprouvèrent le besoin de retrouver un lien avec la réalité. À la phase destructive du cubisme analytique succéda une période constructive, dite synthétique. En 1912, Braque créa les « sculptures-constructions cubistes », qui amenèrent très vite les deux artistes à la réalisation de leurs premiers papiers collés : Picasso incorporant dans sa Nature morte à la chaise cannée (1912, musée Picasso, Paris) un véritable morceau de toile cirée ; Braque collant dans son Compotier et verre (collection particulière) des fragments de papier faux-bois, puis du papier journal dans les œuvres suivantes.
Ces fragments de réalité fonctionnent tour à tour littéralement, comme des trompe-l'œil, ou allusivement, comme des métaphores ou des métonymies des objets ainsi désignés. Formes et surfaces eux-mêmes, ils obligent Braque et Picasso à simplifier leur cubisme : les plans, moins nombreux mais plus amples, s'imbriquent dans des structures plus lisibles, plus aérées, dans lesquelles la couleur est désormais réintroduite, et devient indépendante de la forme : Braque disait que « le papier collé affranchit la couleur du modelé ».
Expansion et influence du cubisme
En 1912, le cubisme était déjà un style, qui s'était propagé en France chez de nombreux peintres. André Lhote (Rugby, 1917, Musée national d'Art moderne, Paris), Henri Le Fauconnier (l'Abondance, 1910, Gemeente Museum, La Haye), Roger de La Fresnaye (le Cuirassier, 1910, Musée national d'Art moderne), Juan Gris (Guitare et fleurs, Museum of Modern Art), Albert Gleizes (Femme au phlox, 1910, musée de Houston) et Jean Metzinger (le Goûter, 1911, Museum of Art, Philadelphie) s'en firent les théoriciens dans Du cubisme, publié en 1912.
Fernand Léger (Nu dans la forêt, Kröller-Müller Museum, Otterlo), qui introduisit dans le cubisme les trois couleurs primaires (le rouge, le bleu et le jaune), Francis Picabia (Je vois en souvenir ma chère Udnie, 1914, Museum of Modern Art), Robert Delaunay (Tour Eiffel, Kunstmuseum, Bâle ; Ville de Paris, 1910-1912, Centre Georges-Pompidou, Paris) et sa femme Sonia Delaunay tentèrent avec succès un cubisme coloré qu'Apollinaire baptisa « orphisme » (les Peintres cubistes, 1913) — et qui constitue sans doute la contribution la plus originale à ce courant initié par Braque et Picasso.
À partir de 1912, les futuristes italiens furent également redevables de nombreux procédés empruntés à la peinture cubiste, qui trouvèrent aussi leur application chez certains expressionnistes allemands (Franz Marc, Lyonel Feininger, etc.) et chez les futuristes russes (Kazimir Malevitch, Lioubov Popova, etc.). Ces derniers en firent même les prémices d'un art entièrement abstrait. C'est également à partir du cubisme, qu'il pratiqua à Paris entre 1912 et 1914, que Piet Mondrian élabora son propre langage non figuratif.
De son côté, pendant l'hiver 1912-1913, Picasso était passé du collage à l'assemblage de matériaux divers dans l'espace : il inventa ainsi une nouvelle forme de sculpture, une sculpture « construite », caractérisée par l'importance nouvelle donnée à la texture et à la couleur des matériaux originels, ainsi qu'à l'espace et au vide. Ces découvertes trouvèrent un prolongement dans les « sculpto-peintures » d'Archipenko, dans les assemblages d'Henri Laurens, ou encore dans la statuaire, certes plus traditionnelle, de Jacques Lipchitz (Homme à la guitare, 1915, Museum of Modern Art). L'exemple des constructions de Picasso fut également capital pour les Russes Naum Gabo et Anton Pevsner. Vladimir Tatline, après une visite à l'atelier de Picasso en 1914, élabora ses propres reliefs et « contre-reliefs » abstraits, qui marquèrent les origines du constructivisme en Russie.
Le cubisme trouva également des partisans en Europe centrale, notamment en Tchécoslovaquie, où naquit une architecture cubiste, unique en son genre.
Après la Première Guerre mondiale, le cubisme ne vit plus se développer que quelques manifestations très abâtardies. Depuis 1912 déjà était apparue la Section d'or qui, autour des frères Duchamp (Jacques Villon, Raymond Duchamp-Villon et Marcel Duchamp), mettait à l'honneur l'aspect mathématique de la création. Delaunay, de son côté, s'orienta vers une peinture dite inobjective.